Marathon de Reykjavik – 17 août 2017
Marathon Story
Reykajvík Marathon (Islande)
19 août 2017
Gaëtan Horlin (BEL) – n° 542
La préparation
Je me suis mis à la course à pied en septembre 2014, un peu par hasard, alors que ce sport ne m’attirait pas auparavant, que du contraire. Aujourd’hui, j’en suis particulièrement accro, pas seulement pour le plaisir et les effets bénéfiques sur la santé qu’il procure, mais aussi pour les liens sociaux qu’il permet de tisser. Même s’il s’agit d’un sport « individuel », il ne l’est que durant l’effort (et encore), il est davantage collectif avant et après les courses. Ce chapitre sur ma préparation est un peu long mais c’est à dessein, afin que le lecteur coureur qui souffrirait des mêmes symptômes que ceux que j’évoque ci-dessous puisse éventuellement trouver des pistes de solution applicables à son cas propre.
Après des participations fructueuses aux marathons d’Anvers (2016) et Amsterdam (2016), respectivement en 3h20 et 3h16, les entrainements et participations aux joggings de 10-15 km qui ont suivi sont devenus plus laborieux, j’avais l’impression de me trainer, l’impression que quelque chose n’allait pas et ce, d’autant plus que le temps passait. Outre une mobilité altérée, mon problème sa traduisait par des gènes et douleurs intermittentes au niveau de l’aine gauche, l’intérieur ou l’arrière de la cuisse gauche, parfois droite et le pubis. Je me disais que ça n’était pas musculaire mais vraisemblablement névralgique, que « ça allait passer tout seul » et je projetais malgré tout une participation au marathon de Rotterdam début avril 2017 ; j’avais entamé une préparation en ce sens. Préparation que j’ai interrompue, pas vraiment en raison du « quelque-chose qui n’allait pas » car, finalement, mon problème était intermittent (il suffisait de ne pas être dans un « mauvais jour »), mais tout simplement parce que le marathon de Rotterdam était sold-out lorsque j’ai voulu m’y inscrire.
Je me suis alors quand-même décidé à prendre rendez-vous chez un médecin du sport (le Dr Renault, au centre de médecine sportive à Mons). Le délai étant d’un à deux mois, je n’ai évidemment pas eu un rendez-vous tout de suite, c’était pour fin mars. Entretemps, je pensais déjà à un marathon pour la seconde partie de l’année, même si c’était risqué au vu de mes problèmes précités. Malgré ça, j’ai quand-même jeté mon dévolu sur le marathon de Reykjavik, capitale de l’Islande. Dans les années 90, j’ai fait cinq voyages en Islande et je suis tombé amoureux de ce pays. Y participer à un marathon serait pour moi une fantastique opportunité d’y revenir après si longtemps. Mi-mars, logement (AirBnB), avion et inscriptions étaient réglés. A l’issue de la consultation, le médecin du sport a diagnostiqué entre autres choses une bascule du bassin vers l’avant et la gauche et des examens complémentaires ont été prescrits, à savoir une échographie et une scaniométrie (mesure précise de la longueur des membres inférieurs). Examens que je me suis empressé de faire début avril ; les résultats seront connus lors de ma prochaine visite chez le médecin du sport, le 16 mai.
N’ayant pu participer au marathon de Rotterdam, je me suis inscrit en dernière minute au marathon d’Anvers, le 23 avril. Le but étant de me tester sur du « long » dans mon état actuel et sans préparation spécifique autre que celle interrompue deux mois plus tôt. Avec le recul, je me dis que c’était un peu suicidaire et dénué de bon sens… Et de fait, même si la première moitié du marathon s’est bien passée (je tenais un 3h15 final), la seconde a été cauchemardesque. Dès le 23ème km j’ai perdu pied. Mes pulsations cardiaques sont descendues aux environs de 130 bpm, mais je ne pouvais plus avancer. Mon problème était donc bien d’ordre mécanique. J’ai rallié l’arrivée dans la souffrance physique et morale en 3h37, loin de l’objectif que je m’étais fixé (3h15). Ma déception était mitigée par la satisfaction d’avoir franchi la ligne d’arrivée malgré tout.
La date de la prochaine visite chez le médecin du sport tant attendue est enfin arrivée. Sur base des résultats des examens, le Dr Renault conclut rapidement que j’ai la jambe gauche plus courte de 8 mm que la droite et me prescrit une semelle de compensation, ainsi que des séances de kiné pour soigner le blocage de mon articulation sacro-iliaque (entre le sacrum et les os iliaques) qui résulte de la bascule de mon bassin. Il est probable que si je n’avais pas pratiqué la course à pied, cette différence de longueur serait restée inaperçue. On verra si les soins prescrits permettent également d’endiguer mes gènes et douleurs au niveau de l’aine et de la cuisse… Fin mai, mois durant lequel je n’ai presque pas couru, et après une participation aux 20 km de Bruxelles aussi chaotique qu’au marathon d’Anvers, j’ai reçu la semelle de compensation de 4 mm d’épaisseur pour mon pied gauche, soit la moitié de la différence de la longueur à compenser (comme il est d’usage). Je disposais déjà depuis plusieurs mois de semelles correctrices de ma pronation, mais pas de la différence de longueur de jambe. Les séances de kiné ont également débuté à partir de fin mai, en premier lieu par le déblocage de mes articulations sacro-iliaques. Au fil des jours, j’ai rapidement vu une amélioration sensible de ma mobilité et pas nécessairement lors des sorties running, mais aussi au quotidien.
La semaine du 5 juin, j’ai recommencé à courir (3 sorties, pour un total de 31 km) en préambule à la préparation marathon devant commencer la semaine suivante. Les sensations commençaient à s’améliorer, moins de difficultés aussi à me redresser lorsque je sortais de la voiture (c’était devenu assez contraignant). Dès le 12 juin donc, c’est parti pour 10 semaines de préparation en vue du marathon de Reykjavik qui a lieu le 19 août, avec l’espoir que le port d’une semelle de compensation soit salutaire quant à mes problèmes de mobilité de bassin et douleurs et gènes y associées. Après avoir comparé plusieurs plans de préparation, j’ai finalement choisi un plan « 3h » téléchargé à partir du site internet du marathon de Paris. Je me suis toutefois fixé un objectif final plus réaliste de 3h10, sachant que le marathon de Reykjavik n’est pas plat (D+280m obtenu après report du parcours dans Google Earth) et qu’il comporte de longues portions en bord de mer (le vent peut être un élément déterminant en Islande…). Au fil des semaines et du port quasi continu de la semelle de compensation et des séances de kiné (Cabinet de Kiné Sportive à Mons, que je recommande vivement), les douleurs et gènes se sont estompées, dans le temps et en intensité. Avant de porter la semelle, il me fallait 2 jours pour récupérer d’une séance de fractionné, certains mouvements de jambe et de bassin étaient alors particulièrement douloureux.
Des dix semaines de préparation, deux ont été réalisées durant les vacances en famille, à la montagne. Il ne fût pas aisé de trouver des longues portions plates et rectilignes pour les séances de fractionné mais finalement le pont enjambant le lac de Serre-Ponçon à Savines-le-Lac (France) s’est avéré très utile à cet effet ! Globalement, la préparation s’est bien déroulée, hormis deux séances complètement ratées. D’abord le 23 juillet, une sortie longue de 2h10 prévue ; je n’ai tenu que 1h25, et encore, avec beaucoup de pauses et un rythme relativement lent. J’étais « terrassé » par la chaleur (29°) et je n’avais plus de jus. Un peu inquiétant quand-même. Ensuite le 4 août, une séance de fractionné de 8×600 mètres était prévue mais je me sentais très fatigué et la piste choisie (une petite piste d’école primaire) était trop courte (150 mètres). Je n’ai pas voulu prendre le risque de me blesser et j’ai arrêté après une fraction. Par contre, il y a aussi eu les très bonnes séances, comme le 31 juillet, cette sortie longue de 31 kilomètres à une allure moyenne de 4’27’’/km, juste au retour des vacances à la montagne. Afin de lever un doute quant à mes douleurs et gènes au niveau du bassin et de la cuisse, j’ai passé une résonance magnétique dont les résultats me seront communiqués durant ma prochaine visite chez le médecin du sport (en septembre). Le but étant d’identifier (ou du moins de ne pas l’exclure car très difficile à diagnostiquer) un éventuel syndrome d’Alcock. Toutefois, sachant que ces douleurs et gènes continuent à s’estomper, dans le temps et en intensité, j’ai le sentiment qu’elles sont (et j’espère bientôt qu’elles « étaient ») liées uniquement à ma différence de longueur de jambe.
Au terme d’une préparation qui m’a amené à courir durant 10 semaines 40 sorties, longues, fractionné court, fractionné long, côtes et endurance, pour un total de 561 km (ainsi qu’une une sortie de 34 km en vélo), me voilà prêt à m’envoler pour l’Islande ! Je vous raconte mon marathon dans les chapitres qui suivent.
La veille du marathon
Je suis resté six jours en Islande et, hormis le marathon, mon voyage a été particulièrement « dense », riche en émotions, en retrouvailles multiples, en rencontres et en paysages somptueux, le tout ponctué par une superbe météo, où le soleil fût omniprésent, voire même chaud par moments ! Il sort toutefois du cadre de ce « récit » de vous raconter la totalité de mon voyage ; je m’attarderai donc ici uniquement sur le marathon.
Le vendredi, veille du marathon (oui, le marathon de Reykjavik se court un samedi), je suis allé chercher mon « race package » au palais des expositions. Il est constitué d’un dossard, d’un chip (pour la mesure du temps) à nouer aux lacets de ses chaussures, d’un T-shirt technique et d’une entrée à la piscine géothermale de Reykjavik (bains chauds, froids, piscine, hammam). Le numéro de dossard m’ayant été attribué est le 542. A l’entrée de l’expo, j’ai retrouvé Joachim et son épouse. Joachim est un compatriote belge et ancien collègue qui participe aussi au marathon ; nous ne nous sommes plus vus depuis plusieurs années. Nous avons passé une partie de l’après-midi ensemble.
A l’expo, la part belle est faite aux produits bio, boissons énergétiques multicolores, algues séchées et autres fruits secs. Sans trop savoir ce que je goûtais, j’ai rappelé aux souvenirs de mon palais le goût… comment dire… si particulier de l’huile de foie de morue. Non non, pas les gélules d’huile de foie de morue qui se dissolvent dans l’estomac mais l’huile de foie de morue servie en petits gobelets ! Même si l’expo est relativement grande, très peu d’exposants de chaussures et de textiles de running, mais une place importante est faite aux associations caritatives. En Islande, il semble très ancré dans la culture de courir au profit d’associations et, d’une manière générale, d’adopter une attitude solidaire. D’ailleurs, à l’exposition, j’ai aussi retrouvé Anne-Charlotte, une amie française rencontrée en 1994 durant un de mes voyages en Islande (c’est la journée des retrouvailles aujourd’hui…). Anne-Charlotte habite maintenant en Islande et y a fondé une association, « Andartak », qui signifie « second souffle » en français. C’est une association qui a pour but de lutter contre la mucoviscidose dont son fils, Sebastian, est atteint. Même si je ne l’arbore pas explicitement, je courrai le marathon aussi pour cette association.
Déjà cet après-midi, je suis très stressé par l’échéance de demain, il faut dire que je me suis mis beaucoup de pression, je me suis fixé un objectif chronométrique final de 3h10 ; juste terminer le marathon me décevrait beaucoup. Après l’expo, retour à l’AirBnB dans lequel je loge, il est temps de se reposer. J’ai déjà beaucoup marché aujourd’hui, j’espère pas trop quand-même. Je me suis cuisiné un repas à base de… pâtes évidemment ! Dans la foulée, j’ai aussi préparé le petit déjeuner du lendemain, que j’avalerai au plus tard 3 heures avant le départ du marathon. En guise d’épilogue de la journée, j’ai minutieusement préparé la tenue que je porterai durant le marathon, il ne faut rien oublier, rien négliger. Surtout ne pas oublier les sparadraps pour éviter l’irritation des tétons !
21h30 en Islande (23h30 en Belgique), il est temps de me mettre au lit. Là, problème… malgré les gélules de valériane (complétées de Sedinal+) que j’ai prises pour me relaxer, pas moyen de trouver le sommeil, je me retourne dans tous les sens… et vois le temps passer inexorablement, ce qui me stresse encore davantage. Du repos, j’ai absolument besoin de repos ! Au final, j’ai dormi réellement une heure, tout au plus deux. Le reste du temps, je me suis retourné dans mon lit, essayant vainement de trouver le sommeil, d’autant plus que je voyais l’heure avancer. J’avais mis mon alarme de réveil à cinq heures, de façon à avoir terminé de prendre mon petit déjeuner à temps. Voilà, cinq heures, l’alarme n’a même pas sonné, pas besoin de me réveiller, je l’étais déjà… Je me suis donc levé, je ne me sentais même pas réellement fatigué, j’étais dans un état un peu second, surement « boosté » à l’adrénaline. Petit déjeuner avalé (œufs, filet de poulet, banane et céréales avec un peu de « skyr », une spécialité islandaise, entre le yahourt et le fromage blanc), je me suis remis au lit avec l’espoir de fermer l’œil un peu, mais toujours en vain, d’autant qu’il fait déjà bien clair dehors. Nous sommes deux mois après le solstice d’été, durant lequel la nuit est quasi inexistante mais là, il fait nuit entre 23h15 et 4h30. Un peu surfé sur internet puis je me suis habillé, tel un matador avant de rentrer dans l’arène, méthodiquement, presque rituellement, en faisant attention à ne rien oublier ! Rapide coup d’œil par la fenêtre, il fait très beau, ciel bleu azur mais seulement 5°. C’est frisquet mais nous sommes en Islande !
J’ai quitté mon AirBnB peu avant 7h, il se trouve à 2 km du départ de la course, ce qui me laisse le temps d’y aller tranquillement à pied, le départ étant à 8h40 et j’aime toujours arriver bien à l’avance. Sur le chemin, j’ai fait un petit détour par le Sun Voyager, une sculpture métallique représentant un drakkar et située en bord de mer. Je prends le temps d’admirer la mer, elle est d’huile, synonyme de vent nul, ce qui est rare en Islande. Je redoutais justement la présence de vent mais il n’en est rien, et c’est très bien comme ça, de bon augure. Etant donné l’absence de pollution, les montagnes au loin sont nettement visibles. Arrivé au départ dans le centre-ville, il n’y a pas encore beaucoup de monde, si bien que je n’ai pas de difficulté à retrouver Joachim. Le temps de déposer mon sac dans l’école transformée en vestiaire pour l’occasion et Joachim et moi allons nous échauffer une bonne vingtaine de minutes. Je vérifie que le chip de mesure du temps est bien fixé à mes lacets puis je mets une couche de crème « chauffante » (en fait qui n’a rien de chauffante, mais plutôt qui sature les terminaisons nerveuses et annihile la douleur) sur l’intérieur de ma cuisse gauche, au cas où mes gènes et douleurs se réveilleraient. Il est déjà temps de regagner mon box de départ !
Le Marathon
Derrière « Reykjavík Marathon », on distingue une fun race de 3 kilomètres, principalement à destination des enfants, un 10 kilomètres, un semi-marathon et un marathon. C’est d’abord un événement très populaire en Islande, et pour les islandais, participer au Marathon de Reykjavík, c’est prendre part à une des courses précitées, quelle que soit la distance choisie. En ce qui concerne le marathon complet, ce n’est pas un « grand » marathon comme les mythiques New-York, Boston, Paris, etc, mais ça n’en reste pas moins 42,195 km à courir !
A l’instar des grands marathons précités, celui de Reykjavik est également homologué par l’IAAF (International Association of Athletics Federations). Il n’est pas plat, il y a un peu moins de 20 % du parcours en côte. Ce ne sont toutefois pas des côtes très pentues, on parle de quelques pourcents. La plus longue côte s’étale sur 1800 mètres, un peu avant le 20ème kilomètre. Compte tenu de l’explosion du tourisme à destination de l’Islande depuis 2005, le nombre de participants au marathon est également en constante croissance. Cette année, il y avait un peu plus de 1400 inscrits sur le marathon et 2400 sur le semi, soit donc 3800 participants pour les deux distances, dont le départ était donné en même temps. Sur le marathon, 60 nationalités étaient représentées avec le top cinq suivant : 338 américains, 191 anglais, 153 islandais, 96 canadiens et 89 allemands. En ce qui concerne mes compatriotes, nous étions 16 belges. En termes de chrono, le record de l’épreuve est de 2h17’, établi en 1993 par Ceslovas Kundrotas, un lithuanien. Ici, pas de délégation kenyane ni éthiopienne… Il y a évidemment un prize money mais pas suffisamment attractif que pour justifier la participation de coureurs professionnels.
Donc voilà, je me trouve à la fin du premier box de départ, à une position correspondant à un temps final entre 3h10 et 3h15. L’attente n’est pas trop longue mais le stress à son paroxysme ! Remerciements habituels du speaker, principalement en islandais, peu de paroles en anglais… coup de pistolet, le départ et donné, la musique démarre en même temps !
Je franchis le portique 8 secondes après le premier partant, je déclenche ma montre, c’est parti ! D’emblée, je monte sur le trottoir pour dépasser quelques concurrents, tout en veillant à ne pas partir trop vite. On longe le lac Tjörnin, virage à droite sur le petit pont qui l’enjambe et c’est déjà la première « côte », quelques centaines de mètres et pas trop pentue. Dès le premier kilomètre franchi, on est à nouveau sur du plat, à l’entame d’une longue avenue en ligne droite. La circulation routière est bloquée et la route est toute acquise au marathon. Nous traversons des quartiers résidentiels, les gens sont devant chez eux et font du bruit, encouragent les concurrents, l’ambiance est excellente. Je me sens très bien, ma « stratégie » est de parcourir les 10 premiers kilomètres un peu en-dessous d’une allure de 4’20’’/km, les 20 kilomètres suivants aux alentours de 4’20’’/km et pour les 12 derniers, ce sera en fonction de mes réserves, avec l’espoir de pouvoir encore tenir 4’20’’/km aussi longtemps que possible. Même si j’y ai pensé avant la course, je n’ose pas tester le « negative split ». Sur le marathon, il n’y a pas de meneurs d’allure, il y en a uniquement sur le semi. De toute façon, je préfère me fier à mes sensations. Globalement, j’arrive assez bien à maintenir l’allure sans trop devoir regarder ma montre ; c’est le fruit d’une préparation durant laquelle j’ai essayé au maximum de « mémoriser » l’allure marathon. Déjà dès le second kilomètre on longe la mer sur quelques centaines de mètres avant de revenir vers l’intérieur. Quatrième kilomètre, arrive le premier ravitaillement, en haut d’une courte côte, mais pentue celle-ci. Sur chaque ravito, il y de l’eau et une boisson isotonique Powerade. Comme je n’ai pas trouvé de Powerade en Belgique, je ne l’ai pas essayée durant ma préparation et donc pas question d’en prendre pendant le marathon. Manque de bol, sur le premier ravito, pas d’indication distincte entre eau et Powerade et on me tend un gobelet, je le prends, je bois une gorgée, c’est du Powerade, trop tard ! Je jette le gobelet (dans une poubelle, pas par terre), j’ai raté le premier ravito. Avant le marathon, je m’étais inquiété de savoir quels seraient les ravitaillements et sous quelle forme (gobelets ou bouteilles) ils étaient distribués mais j’aurais espéré que sur place ils seraient davantage reconnaissables ; je serai vigilent pour le suivant.
Peu après le ravito, nous revenons en bord de mer, je me sens très bien. De temps-en-temps, rapide coup d’œil sur ma montre, 4’05”/km, ouh là, on se calme, c’est trop rapide, faut en garder pour la fin ! Au cinquième kilomètre, premier temps intermédiaire, 21’16’’ à ma montre (les temps intermédiaires officiels étaient jusqu’à 1 minute supérieurs à ceux de ma montre, seul le temps final était rigoureusement identique), soit une allure de 4’15’’/km. Pulsations cardiaques à 82 % FCM, tout va bien, je me sens très bien. On rentre à nouveau en zone d’habitat résidentiel sur un peu moins d’un kilomètre avant de revenir en bord de mer, et pour longtemps cette fois, ça sera pour les huit kilomètres qui suivent.
Arrive le huitième kilomètre, second ravito ; je ne me laisse plus avoir cette fois, j’arrive à avoir de l’eau. Au neuvième, je cherche des yeux Anne-Charlotte et les membres de l’association Andartak qui doivent s’y trouver. Je n’ai pas vu Anne-Charlotte, ce sera peut-être pour le deuxième passage au même endroit tout à l’heure. Bientôt le passage au 10ème kilomètre et donc également le second temps intermédiaire. C’est bouclé en 42’38’’, je maintiens l’allure (moyenne) à 4’15’’/km, un peu plus rapide qu’initialement prévu, tout va toujours très bien. Mais, ignorant mon état de forme dans 20 km, je dois m’astreindre à ne pas accélérer, voire à réduire un peu l’allure. Mon rythme cardiaque est à 84 % FCM. Peu après le passage du 10ème, un ouvrier de la poissonnerie locale nous arrose avec de l’eau prélevée dans un bac copieusement rempli de glaçons ; je retire ma casquette (même si c’est une casquette « ouverte ») et lève les bras pour en profiter pleinement. Je remercie ce gentil monsieur d’un petit signe de la main gauche, pouce levé. Nous sommes à présent à proximité du port, je commence à avoir une légère douleur sur le haut du pied gauche. Ouille, c’est pas bon ça ; la douleur va un peu en s’amplifiant puis disparait lentement au bout d’un kilomètre. Ouf, petit stress vite oublié.
Après le port, retour en bord de mer et bientôt le ravito du 12ème kilomètre (liquide, toujours eau et Powerade, mais aussi solide, des morceaux de bananes). Je précède le ravitaillement de la prise d’un gel énergétique. Pour avoir testé à l’entrainement, je sais à quel moment de la course je dois avaler mes gels et autres pâtes de fruits. L’avenue est relativement large, si bien qu’il est difficile d’intégrer un petit groupe, tout simplement parce qu’il y a peu de groupes, d’autant que malgré que nous soyons toujours sur le parcours commun au semi-marathon et au marathon, je n’ai pas vu les meneurs d’allure et les groupes qui y sont en général associés. Je suppose qu’ils sont derrière. Tout est très fluide, presque trop facile, je me sens à présent « en régime ». Sur le bord de la route, j’entends parfois « %$éy&€p belgía ». « %$éy&€p » ça, ça matérialise ma compréhension de l’islandais… à savoir nulle ! Par contre, « belgía », là je comprends ça veut dire « Belgique ». Les manchons aux couleurs de la Belgique que je porte aux bras font visiblement mouche (merci Cédric et Delphine de me les avoir prêtés). J’ai aussi entendu « Belgica », en espagnol cette fois-ci. Gracias ! Ca fait plaisir et je réponds en général par un sourire et un pouce levé.
A l’entame du 14ème kilomètre, nous empruntons un tronçon que nous parcourrons en sens inverse deux kilomètres plus loin. Ca monte sur 1200 mètres mais la pente n’est pas bien méchante. Je croise les premiers coureurs du marathon et du semi, ça va vite ! Je commence aussi à chercher Joachim parmi les coureurs dans l’autre sens. Ca y est, entre le 15ème et le 16ème, trouvé, on se croise, je crie « Allez Jo ». Comme un écho, Joachim me répond « Allez Gaëtan ». Voilà le 16ème kilomètre, nouveau chrono intermédiaire, 1h08’31’’, allure moyenne (depuis de début de la course donc) 4’17’’/km, 85 % FCM, l’allure est un peu plus lente, à dessein. Après le chrono et le quatrième ravito au passage, nous virons à droite et remontons l’avenue (Saebraut) dans l’autre sens jusqu’au 18ème, je croise de nombreux coureurs qui sont encore de l’autre côté. Pour eux, les rangs sont nettement plus denses et groupés, d’autant plus qu’on remonte le peloton vers « l’arrière ». Au 17ème, je me sens toujours très bien, toujours fluide. Pour avoir étudié minutieusement le parcours, je sais qu’un peu plus loin ça va monter et je sais aussi que nous ne sommes pas encore au semi, il faut que je ralentisse un peu pour être sûr d’avoir assez de « jus » pour aller jusqu’au bout sereinement. Je dois me caler autant que possible sur une allure de 4’20’’/km, ce qui donnerait un temps final de 3h03, au-delà de mes espérances !
A l’entame du 18ème kilomètre, il est temps de dire au revoir à nos amis du semi-marathon, nos routes se séparent ici. Pour nous, marathoniens, les choses se corsent. D’abord nous sommes déjà bien moins nombreux, ensuite, la route s’élève durant près de 2 kilomètres jusqu’au 20ème ; la côte la plus longue du parcours et avec un dénivelé appréciable aussi. Que dis-je « la route »… finie ici la route toute entière dévolue à la course, nous empruntons maintenant les pistes cyclables et chemins jouxtant les routes. Alors que le cyclisme est en pleine expansion en Islande depuis quelques années, je pense que l’accès aux pistes cyclables était (fort logiquement) interdit aux vélos durant le marathon ; en tous cas, je n’ai pas le souvenir d’avoir été gêné par un vélo. L’arrivée au sommet de la longue côte est récompensée par un ravito (je m’y arrête chaque fois brièvement, ça fait un peu chuter les pulses et on revient finalement toujours sur ceux qui ont « snobé » le ravito) et le passage du chrono au 20ème kilomètre en 1h26’30’’ (plus rapide que la meilleure de mes trois participations aux 20 km de Bruxelles), allure (moyenne depuis le début) 4’19’’/km et fréquence cardiaque (moyenne depuis le début) 85 % FCM, c’est toujours tout bon. Dans la côte, là, évidemment c’est plus dur. L’analyse des données faite après le marathon montre que je suis monté à 89 % FCM et mon allure a chuté à 4’41’’/km. Allez, bientôt le semi, que je passe en 1h31’ à l’allure instantanée de 4’10’’/km (l’allure moyenne est bien sûr la même qu’aux 20 km) et 86 % FCM (instantanée). On entre ensuite dans un petit parc, quelques relances en perspective et encore une pente sur un peu plus de 1000 mètres. Je croise à nouveau Joachim, « Allez Jo »,… « Allez Gaëtan » ! Des spectateurs m’encouragent, j’en ai besoin en ce moment. Cette pente me casse un peu les jambes, mon allure a décru lorsque j’en viens à bout, 5’03’’/km. Voilà, un cap de passé, les dénivelés les plus importants sont aussi derrière. A partir de maintenant, il va falloir commencer à aller chercher des ressources « dans la tête ». Au passage, petite pensée pour ma famille et mes amis qui me suivent à distance. J’avale une pâte de fruit.
Nous empruntons maintenant une allée bordée d’arbres de part et d’autre. Ici, plus de spectateurs et des distances parfois non négligeables entre les coureurs, c’est chacun pour soi. Au sol, les flèches jaune fluo indiquent le parcours sans équivoque et les signaleurs sont omniprésents. On entre à nouveau dans des quartiers résidentiels de banlieue, avant d’emprunter une passerelle qui enjambe la route, une deux fois deux bandes (Miklabraut) au kilomètre 23,7. Et hop, encore une montée des pulses au passage. Rapide ravito au 24ème avant de passer de l’autre côté de l’autoroute, via un court tunnel, suivi d’un autre très peu de temps après pour revenir du même côté. Puis 650 mètres en légère pente avant d’atteindre le 25ème km et son nouveau temps intermédiaire, à savoir 1h48’11’’ et allure moyenne depuis le début à 4’20’’/km. Une erreur dont je ne me rends compte qu’après le marathon, c’est que ma montre affiche l’allure moyenne et non l’allure instantanée, si bien que si je suis maintenant à 4’20’’/km de moyenne et que j’étais trop rapide (en-dessous de 4’20’’/km) au début, c’est forcément qu’à un moment donné j’ai été plus lent. L’analyse post-marathon montre en effet un pic de vitesse à 4’10’’/km au 7ème km, une décroissance très lente de l’allure du 10ème au 23ème km (aussi en raison du relief de la course) jusqu’à 4’27’’/km puis une stabilisation autour de 4’28’’/km jusqu’au 40ème, pour franchir finalement la ligne d’arrivée à 4’05’’/km.
Les habitations et entreprises qui bordaient le parcours il y a quelques kilomètres encore ont fait place à présent à un paysage presque campagnard, nous sommes même passés à côté d’une petite cascade. Pourtant, à vol d’oiseau, le centre-ville n’est pas bien loin, même si celui-ci n’a rien à voir avec celui des villes continentales et leur bruit, leur pollution, leur cohue et le stress qu’ils génèrent. Reykjavik est une petite capitale de 200.000 habitants (agglomération comprise) agréable à vivre ; le mot « stress » ne fait pas partie du vocabulaire des islandais. Par contre, hormis les anciennes maisons du centre (19ème siècle), il ne faut pas chercher ici de « vieilles pierres », ni de riche passé architectural. En 1900, Reykjavik n’était qu’un village de pêcheurs de 6000 habitants.
Pour revenir au marathon, entre le 24ème et le 27ème kilomètre, le temps m’a paru un peu long, horizon peu dégagé (arbres alentours), coureurs épars, peu, voire pas de spectateurs, je me sentais parfois bien seul… Les jambes commencent à se faire plus lourdes à présent. Quelque part entre le 25ème et le 35ème kilomètre et pendant plusieurs kilomètres, une douleur similaire à celle ressentie lorsque mon articulation sacro-iliaque était bloquée s’est faite sentir dans la jambe droite cette fois, comme si c’était cette jambe (et non plus la gauche) qui était plus courte et que mon bassin avait basculé côté droit ; ça m’a fait un peu flipper car à un certain moment (je ne me souviens plus exactement quand) ça me gênait vraiment. Fort heureusement, cette douleur s’est estompée graduellement.
Vers le 28ème kilomètre, ravitaillement ; comme pour les précédents je m’y arrête (pas facile de boire en courant) mais très brièvement. La passerelle qui permet de traverser une large deux fois deux bandes (Kringlumyrarbraut) et que j’avais vue en photo en lisant le compte rendu d’un concurrent de 2013 arrive enfin ; je l’attendais avec impatience, un peu en guise de balise.
Maintenant, le paysage s’ouvre sur l’océan, qu’on longera jusqu’au 33ème kilomètre. Quel sentiment indescriptible de courir dans ce cadre, la mer d’un côté, toujours aussi calme et d’huile que ce matin, de l’autre une végétation rase (un peu comme la lande ou la toundra) à flanc de colline, un ciel bleu azur, un air cristallin et le soleil dont la chaleur est bien perceptible, même si la température n’est que de 12-13°. Côte de 500 mètres peu avant le 29ème kilomètre, pas trop pentue mais elle fait mal aux jambes, du moins aux miennes. Je suis à 4’37’’/km en haut. Un peu en contrebas, la plage de Nautholsvík, une plage aménagée avec du sable fin. Une plage ici ? Alors que la température de la mer est à 10-12° en été ?! C’est sans compter que celle-ci est adoucie par l’apport d’eau naturellement chaude issue du sol, ce qui élève sa température autour de 20° en bord de plage, comme à la côte belge ou celle du Nord-Pas-de-Calais.
Je ne suis plus très loin du 30ème mais ça devient dur, même si je n’ai pas vraiment le sentiment de ressentir le « mur ». Je suis à hauteur du bout de piste de l’aéroport domestique de Reykjavik, un Fokker atterrit à ce moment-là, il est passé à 30-40 mètres au-dessus de moi. Allez, j’ai le chrono du 30ème en ligne de mire. Ca y est, c’est passé ! 2h10’29’’, allure moyenne 4’21’’/km, ça devient un peu poussif mais je m’accroche. Plus que 12 kilomètres et dans ces cas-là, quand je suis un peu dans le « mou » et que c’est dur, je compare les distances avec mon circuit habituel d’entrainement, long de 5 kilomètres, et que je connais évidemment par cœur. Donc il me reste 2 tours et demi de « mon » circuit ! Le ravito n’est pas loin. Un peu avant, je prends un gel ; l’eau que je boirai en fera passer le goût très sucré. Je m’arrête un peu plus longtemps qu’aux ravitos précédents, sans pour autant m’éterniser. Je me dis que si je faiblis trop mais que je parviens à rester sous 4’30’’/km, je serai quand-même au maximum à 3h10 à l’arrivée, ce qui reste mon objectif.
On continue à longer la mer, avant de retrouver l’habitat et d’intégrer des quartiers résidentiels et, avec eux, à nouveau quelques supporters de tous âges au bord de la route. Je pense qu’à ce moment-là, j’ai encore dû entendre « Belgía » ou « Belgium » clamé par l’un ou l’autre supporter. On est au 33ème kilomètre, je ne pense plus à l’arrivée mais mon prochain jalon est plutôt le chrono intermédiaire à 37,5 kilomètres,… soit moins d’un tour de mon circuit d’entrainement habituel.
Après un petit coup de mou, qui ne se traduit fort heureusement pas par une baisse d’allure mais par une nécessité de puiser un peu plus loin dans mes ressources, tant mentales que physiques, je me sens à nouveau relativement bien (enfin, comme on peut l’être après 34 kilomètres de course), jusqu’un peu avant le 35ème kilomètre. En effet, voici arrivé le ravito, au somment d’une côte pas bien longue, mais bien pentue. Une hôtesse de Wow Air (compagnie aérienne sponsor de la course) me tend la main, et hop, petite claquette de la main droite au passage. Je saisis un, voire deux gobelets d’eau, toujours en faisant bien attention de ne pas me tromper avec le Powerade. Parfois, peu avant l’arrivée aux ravitos précédents, il fallait que je lance « water ? », accompagné d’un signe de la main vers la gauche et vers la droite.
Je disais donc courte mais pentue cette côte à hauteur du ravito. En effet, si pentue qu’elle a fait monter mes pulsations, au point que je n’arrive plus à reprendre la course, je marche quelques mètres. Arrivé à ma hauteur et voyant que je faiblis, un concurrent m’exhorte (presque en criant) à recommencer à courir… j’obtempère et le suis sur 300 ou 400 mètres, avant de reprendre du poil de la bête et de le distancer un peu. Je regrette de ne pas avoir mémorisé son numéro de dossard pour connaître son nom ; je me souviens juste de sa combinaison (style triathlon) couleur rouge bordeaux.
Voici le 35ème kilomètre, nous revenons en bord de mer, je dépasse un coureur qui s’est visiblement blessé, il boite. Je lui donne une petite tape amicale sur l’épaule en guise de soutien, mais bon, ça ne lui est pas d’un grand secours… Nous sommes dans la commune de Seltjarnarnes, à l’extrême ouest de la péninsule, dans un décor qui fait un peu penser à une réserve naturelle, avec une végétation du type « landes », sans arbres, juste des hautes herbes. Nous quittons la route pour emprunter à nouveau la piste cyclable et filer jusqu’au 37ème kilomètre, qui finalement arrive relativement vite.
Je me suis assez bien senti sur cette portion entre le 33ème et le 37ème kilomètre. Passé le tapis de chronométrage à 37,5 kilomètres en 2h44’23’’, à l’allure moyenne de 4’23’’/km depuis le départ (toujours à ma montre, l’allure officielle est légèrement plus lente), je commence à faire mes calculs de temps final. Une allure moyenne de 4’25’’/km à l’arrivée me donnerait un temps aux alentours de 3h06’20’’. Comme je suis un peu plus rapide, je me mets à rêver à 3h05’.
Maintenant, plus d’autre jalon que l’arrivée, restent un peu moins de 5 kilomètres. A moins d’une blessure, je me dis que je tiens mon nouveau record perso sur marathon. Coup d’œil à gauche, le glacier Snæfellsjökull (littéralement « le glacier de la montagne de neige »), pourtant distant de 120 kilomètres est nettement visible et se dresse majestueusement. C’est là que Jules Verne a situé le départ de son « Voyage au centre de la terre ». Regard droit devant maintenant, les bâtiments proches de l’arrivée sont en vue, de l’autre côté de la baie. Des pensées antagonistes m’envahissent, d’une part, l’envie d’en terminer au plus vite, et d’autre part celle de prolonger un peu le privilège que j’ai à courir dans un tel cadre, une telle atmosphère et dans des conditions météo qui nous gratifient d’une aussi belle « lumière ». C’est la première envie qui prendra finalement le dessus car maintenant je dois vraiment puiser très loin pour maintenir mon allure. Mon rythme cardiaque est à 167, seuil à partir duquel je suis en « zone rouge » (90 % FCM), mes jambes sont lourdes et entre le 38ème et le 41ème kilomètre le temps me parait interminable. Autant avant le marathon et sans même avoir couru 1 mètre, l’émotion pouvait m’envahir, voire me surprendre, autant maintenant et malgré l’imminence de l’arrivée, je cours sans ressentir d’émotions, vraisemblablement aussi sans plus trop de lucidité, un peu comme un robot. Au 39ème kilomètre, je déballe une pâte de fruit, un peu avant le dernier ravito du 40ème kilomètre. Je prends un peu d’eau, comme à tous les ravitos précédents, mais je ne m’attarde pas.
Au 41ème kilomètre, Anne-Charlotte me crie « Allez Gaëtan » ; cette fois, nous ne nous sommes pas manqués. Je me retourne et la salue d’un signe de la main. Cet encouragement me booste pour la fin de la course. Nous quittons la piste cyclable du bord de mer, traversons un rond-point puis longeons le port, la route est à nouveau entièrement dévolue à la course.
A l’entame du dernier kilomètre, je commence à accélérer, je donne tout ce qu’il me reste pour grappiller quelques secondes sur le chrono final. Il va bientôt falloir virer à droite vers le centre. La foule se densifie, je suis tout seul, ce qui me donne presque l’impression d’arriver en vainqueur. Les gens m’encouragent. Le dernier virage est en ligne de mire, je suis à 4’15’’/km et je continue à accélérer. Après le dernier virage, il reste 300 mètres en ligne droite, la foule m’applaudit. Je scrute le chrono, dès que je serai assez près pour pouvoir le lire, j’espère y voir 3h05’. A défaut, au moment où je parviens à lire distinctement, c’est plutôt quelque chose comme 3h06’45’’ que je vois. C’est pas grave, je ne vais quand-même pas être « déçu » pour une minute. Après tout, l’objectif était de 3h10 ! Il reste 100 mètres, je lève les bras pour applaudir la foule et la remercier pour son soutien. En retour, je reçois des applaudissements plus nourris encore ; quel sentiment de plénitude ils me procurent, quels frissons ! Je suis à 4’05’’/km, ma respiration s’accélère encore davantage. Je franchis la ligne les bras levés et les poings fermés en guise de victoire, au moins sur moi-même. Temps depuis le coup de pistolet initial 3h07’27’’, ce qui donne un temps net final de 3h07’18’’ sachant que j’ai franchi le tapis de chronométrage 8 secondes après le départ officiel. J’aurais voulu que ce moment dure un peu plus longtemps…
Je suis dirigé vers le ravitaillement final, il y a du solide (pain d’épice, bananes, fruits secs, etc) et du liquide, eau et Powerade. On me remet une couverture de survie et ma médaille. Je marche un peu pour récupérer dans le petit parc situé juste à côté de l’arrivée et transformé pour l’occasion en aire d’arrivée. Le même coureur qui au 35ème kilomètre m’avait exhorté à reprendre la course vient me féliciter, il est arrivé un peu après moi ; « good job guy » me dit-il en me tapant sur l’épaule. Je ne m’y attendais pas, je suis un peu surpris ; je le remercie et le félicite également. Encore une fois je regrette de ne pas avoir regardé son numéro de dossard pour pouvoir l’identifier par après. Je me suis assis sur un banc et là, contrairement à mes marathons précédents, j’ai fondu en larmes, l’émotion, la fatigue, la tension, là je ne retiens plus rien, je me sens tellement heureux. Le temps de retirer la puce de chronométrage nouée à mes lacets, il faut quand-même que je me résolve à présent à quitter l’aire d’arrivée, d’autant que j’ai envie de partager ce moment avec ma famille.
Mais pour ça, il faut que je retrouve Joachim et son épouse qui a gentiment gardé mon téléphone portable durant la course. Joachim est arrivé 10 minutes avant moi et je n’ai pas de peine à le retrouver, nous nous congratulons mutuellement. Je peux enfin téléphoner à la maison et partager mes émotions…
Malgré le marathon, j’ai encore pas mal marché le restant de la journée, notamment pour aller à la piscine et profiter des hammam et autres bains à bulles chauffés naturellement. Il y a des bains à 38°, 40°, 42° et 44°. Là, ça commence à faire chaud. A l’inverse, Il y a aussi un petit bassin d’eau entre 5° et 8°. Il parait que c’est profitable à la récupération musculaire, ça s’appelle la cryogénothérapie. J’ai essayé… oui c’est froid, mais ça fait effectivement beaucoup de bien aux jambes !
Après ce jour mémorable, me resteront trois jours en Islande pour découvrir ou redécouvrir le pays, dont un en compagnie d’Anne-Charlotte, Adam et leurs enfants, que je remercie vivement pour leur chaleureux accueil. Il sort du cadre du présent récit de relater ces jours-là mais ils furent aussi extraordinaires que celui du marathon, qui plus est sous un soleil radieux jusqu’à la fin.
Pour conclure et pour la petite histoire, le vainqueur de cette édition 2017 du Reykjavíkur Marathon est Arnar Pétursson, un islandais de 26 ans qui boucle l’épreuve en 2h28’17’’ ; la première dame est Natasha Yaremczuk, une canadienne qui termine en 2h53’25’’. Quant à moi, je termine 40ème sur 1268 finishers au classement général (initialement 42ème puis 40ème au classement final établi deux jours après le marathon) et 14ème sur 220 dans ma catégorie d’âge (40-49 ans).
Carte du parcours
Les bilans
D’abord le bilan personnel et les points d’amélioration :
- Satisfaction totale !
- La prochaine fois, choisir un plan marathon avec un volume kilométrique un peu plus important (> 650 kilomètres)
- Revoir éventuellement les chaussures (toujours utilisé des Saucony Guide 9/10), car comme pour les marathons précédents, ampoules aux petits orteils gauche et droit
- M’habituer à courir encore davantage aux sensations, en faisant abstraction de ma montre
- Le GPS et l’allure instantanée de ma montre (Polar M400) assez peu précis dès que les bâtiments et la végétation alentours sont plus denses (même peu)
- Il se confirme que le port de ma semelle de compensation semble être la clé de mes soucis, désormais passés ou en voie de l’être
Mon avis sur ce marathon :
- Très bonne organisation
- Ambiance bon enfant
- Ravitaillements intermédiaires nombreux mais un peu plus de solide aurait été appréciable
- Indication relative aux ravitaillements liquides perfectible (où est l’eau, où est la boisson isotonique)
- Pas trop de concurrents, on ne se marche pas sur les pieds
- Beaux paysages et variés (urbain, rural, marin)
- Fair-play et respect de tous (participants et bénévoles)
- Nombreuses portions en bord de mer, très bien lorsqu’il fait beau mais peut-être très défavorable en cas de mauvais temps (vent)
- Ce n’est pas un marathon plat mais le dénivelé n’est pas non plus insurmontable, loin de là
- Possibilité de tracking live d’un participant, comme un peu partout maintenant
- La médaille n’est pas la plus jolie que j’ai reçue mais ce point est relativement secondaire. Le T-shirt distribué est relativement sobre.
- Au-delà du 18ème kilomètre (séparation semi-marathon – marathon), on se sent parfois un peu seul car moins de concurrents et donc plus grande distance entre eux
- Spectateurs / supporters épars, il n’y en a pas sur tout le parcours, mais quand il y en a, ils se font entendre
- Pas de meneurs d’allure sur le marathon
- L’événement se déroule le même jour que la « Culture Night » ; le soir, il y a des concerts partout en ville, le tout ponctué par un superbe feu d’artifice à 23h
- Entrée gratuite à la piscine municipale et ses bains chauffés naturellement
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